Burkina Faso : vivre la terreur dans notre région…

Voilà déjà cinq ans que notre région de l’Est du Burkina Faso traverse des drames et des tragédies de tous genres dus au terrorisme. Tuer est devenu une banalité sauvage…

Voilà déjà cinq ans que notre région de l’Est du Burkina Faso traverse des drames et des tragédies de tous genres dus au terrorisme. Tuer est devenu une banalité sauvage. Chaque jour des vies humaines sont réduites de façon banale et cruelle à la mort. Les vies les plus exposées ont dû consentir à un exode vers les zones qui retrouvent un semblant de paix certes, mais fragile. C’est dans ce climat de paix fragile que nous vivons notre quotidien dans la ville de Fada N’Gourma.

Les personnes vaquent à leurs occupations avec le souci de ne pas exposer inutilement leur vie. Nous touchons beaucoup plus à l’horreur de cette tragédie lorsque nous rencontrons les victimes directes de ces bourreaux sans cœur, sans foi ni loi. L’humain en nous ne peut supporter une telle violence et horreur. A notre tour, nous nous surprenons à souhaiter, à désirer la même violence vis-à-vis des acteurs de ces horreurs commises. Ainsi naît la violence qui, par escalade, finit par tout envahir… La défiance arme les hommes les uns contre les autres. Des peuples qui ont vécu l’un auprès de l’autre, nourrissent la peur et couvent une haine de l’autre.

Où est Dieu dans l’antre de cette violence ? Il nous faut une violence plus grande sur nous pour retrouver le Divin en nous, afin d’incarner les valeurs de l’Evangile, de nos fondateurs et de nos charismes. Et ce, nous le vivons autant de fois que nous rencontrons ces victimes innocentes.

Postulantes Soeurs du Christ Rédempteur, Fada' NGourma

En effet, Le chrétien sait qu’il ne peut agir n’importe comment. Il sait qu’il devra répondre de ce qui lui a été confié, comme un intendant (cf. Mt 25,14-30). Point n’est besoin d’imaginer l’enfer comme une punition ! Dieu ne punit personne. Un jour viendra où il sera trop tard pour choisir qui nous voulons suivre, comment nous voulons vivre. Notre vie aura assez parlé. Ce jour-là, il se peut que nous constations alors qu’ “un grand fossé” aura fini par se creuser entre nous et Dieu. Chacun de nous donne ou non une dimension d’éternité à sa vie. L’enfer ou le paradis, chacun de nous se le prépare et peut en avoir dès maintenant un avant-goût !

Cependant, il nous faut entendre : “ Aimez vos ennemis… ”. Dans un tel contexte, nous éprouvons des réticences devant ces paroles de Jésus (Mt 5, 44). La violence perverse est encore en nous, non évangélisée. Le seul remède est de la dire, ouvertement, à Dieu. Il s’agit de la reconnaître, de l’amener en pleine lumière quand nous sommes tentés de la nier, de la refouler, de faire comme si elle ne nous habitait pas. Venue au jour, elle pourra être soumise à la “ thérapeutique ” divine. Car Dieu veut - dans sa tendresse immense - sauver l’homme de la violence. Mais Il le laisse assumer ses actes. La responsabilité morale des hommes est à la mesure de leur liberté, clairement réaffirmée dans le Siracide : « Ne dis pas : “C’est le Seigneur qui m’a fait pécher”, car Il ne fait pas ce qu’Il a en horreur… »

C’est sur une note d’espérance que je veux clore cette rédaction : « L’espérance de la vie est plus forte que les forces du mal ». Que Marie, Notre Dame des Douleurs, prie pour tous les pays et personnes victimes de la violence et de l’horreur. Nous lui confions également tous les otages du terrorisme, notamment l’abbé Joël YOUGBARE enlevé et porté disparu depuis le 17 mars 2019. Puisse Dieu protéger notre frère et lui donner l’espérance en la vie.

Sœur Juliette Y, SCR, Postulat des Sœurs du Christ Rédempteur à Fada N’Gourma (Burkina Faso)

Sr Juliette (à g.) avec l'évêque et des Postulantes, Fada N'Gourma
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