La Fête-Dieu à Fougères et à Rillé vers 1950

Les Fêtes-Dieu vers 1950 à Fougères et à Rillé :
« Ah, les Fête-Dieu à Fougères, c’était quelque chose ! » se souvient Monsieur Hodebert…

Mr Hodebert se souvient
de ces heures lumineuses de son enfance :

Fête-Dieu à Fougères vers 1950. Devant le reposoir, ceux qui l'ont érigé et décoré avec soin

« Ah, les Fêtes-Dieu à Fougères, c’était quelque chose ! La procession était organisée deux dimanches de suite, d’abord dans sa propre paroisse, puis pour l’ensemble des trois paroisses de la ville. La communauté de Rillé organisait aussi sa propre Fête-Dieu…

Le premier dimanche de Fête-Dieu était réservé à la paroisse. La procession changeait de quartier tous les ans. C’était un honneur de recevoir le passage du Saint-Sacrement pour les populations et chacun avait à cœur de rivaliser d’ingéniosité pour décorer les rues et les maisons.

Ce jour-là, tout le quartier était mobilisé, même ceux qui ne fréquentaient pas l’église y participaient. Des équipes étaient chargées de l’élévation des reposoirs, d’autres de la décoration des rues avec la confection d’un chemin de sciure colorée, tracée au milieu de la rue sur lequel devait passer le prêtre portant l’ostensoir. Des bouleaux étaient plantés de part en part le long des trottoirs.

Les jours précédents, c’était une équipe d’hommes qui étaient allés les couper dans quelques lieux désolés d’une vieille carrière à la campagne. Les enfants avaient ramassé des fleurs en campagne, tous les jardins étaient pillés, et les roses perdaient leurs pétales. Rien n’était trop beau pour ce jour.

Fête-Dieu vers 1950 : des gens ont décoré leur fenêtre avec un drap fleuri, rue de l'Echange à Fougères

Tôt le matin, tout le monde se mettait au travail et s’activait à la tâche qui lui avait été assignée… Les gens décoraient leurs fenêtres du premier étage en laissant pendre des draps le long des murs, après avoir pris le soin de les orner de fleurs aux couleurs vives.

Le moment de la procession venu, chacun attendait devant chez soi son arrivée. Partie de l’église Saint-Sulpice, pour ce qui concerne notre quartier, la procession montait la rue de Rillé avant de venir rue de l’Échange. Au fur et à mesure qu’elle avançait, le flux grossissait, car chacun suivait la procession jusqu’au dernier reposoir. En attendant la procession, chacun surveillait “son œuvre”, car tout devait être impeccable pour le passage du Bon Dieu.

Bientôt, au loin, on commençait à entendre le chant des cantiques, puis on apercevait le début de la procession. Un souffle de recueillement passait alors dans l’assistance. La croix - portée par des hommes qui se relayaient le long du parcours - ouvrait la procession, suivie du suisse et du bedeau, l’un et l’autre en grande tenue. Puis, venaient la bannière de la paroisse, les chantres, les vicaires, les religieuses, les communiants, les membres du patronage de la paroisse, la clique avec tambours et clairons, les femmes, les angelots avec leur couronne et leur corbeille remplie de pétales de fleurs, un enfant en habit de saint Jean-Baptiste avec sa peau de mouton sur le dos, un autre en Petit Jésus, portant sa croix. Le dais, porté par quatre hommes, sous lequel marchait le prêtre portant le Saint-Sacrement, entouré de thuriféraires avec des torches.

2 fillettes angelotes
Le petit St Jean-Baptiste

Les hommes marchaient ensemble derrière le dais. Lorsque celui-ci arrivait devant le reposoir, le prêtre sortait et gravissait les quelques marches du reposoir.

Là, le rituel s’appliquait : il y avait une prière, puis la bénédiction du Saint-Sacrement. Après les chants du “Salutaris Hostia” et du “Tantum Ergo”, le prêtre bénissait la foule agenouillée avec l’ostensoir, durant que les angelots jetaient des pétales de fleurs. Puis venait la litanie habituelle : “Dieu soit béni… Béni soit son Saint Nom…” etc… répétée par les assistants dans une ferveur qui n’était pas feinte. Le prêtre reprenait alors sa place sous le dais et la procession repartait en chantant des cantiques jusqu’au reposoir suivant, avant de faire demi-tour vers l’église d’où elle était partie et où étaient chantés les vêpres et le dernier Salut au Saint-Sacrement. Chacun rentrait chez soi ensuite, remué dans sa foi et ragaillardi dans les préceptes religieux dont il était bercé depuis toujours.

Si la Fête-Dieu paroissiale habituelle était, somme toute, assez banale, la procession du deuxième dimanche était une bien autre affaire. Ce n’était plus une paroisse entière qui se retrouvait, mais trois. C’était une ville entière qui se mobilisait. C’était plus d’un kilomètre de procession, ce qui laisse un peu rêveur de nos jours. Une année sur trois, la procession partait d’une église, soit Saint-Léonard, soit Saint-Sulpice soit Notre-Dame de Bonabry. Ce n’était plus un suisse qui marchait en tête, mais trois. Ce n’était plus quelques rues que l’on arpentait, mais des dizaines… Tout le monde allait à la Fête-Dieu, autant par conviction que pour assister au spectacle. C’était impressionnant.

Bien entendu, mes parents et grands-parents participaient à ces processions. Comme ces deux dimanches ne suffisaient pas, nous retournions aussi à la Fête-Dieu organisée un autre dimanche à la communauté de Rillé.

Rillé et son jardin potager

C’était tout à côté de chez nous et il y avait aussi beaucoup de monde. La cérémonie était très belle, la chorale des sœurs était d’une qualité et d’une beauté qui nous épataient tous. Et puis la procession se faisait dans l’immense jardin de la communauté.

Fête-Dieu à Rillé vers 1950 : reposoir au jardin, à la grotte de N D des 7 Douleurs
La Maison-Mère de Rillé et son cloître

Nous passions par le cloître, lieu où en dehors de cette occasion nous n’entrions jamais…, et puis dans ce jardin, si bien entretenu (Monsieur Chevallier était le maître-jardinier et se faisait un point d’honneur à ce que le jardin soit impeccable), où il poussait toutes sortes de légumes, en très grande quantité, car il y avait beaucoup de bouches à nourrir à l’époque à la maison-mère des Sœurs de Rillé.

Il faut reconnaître qu’il y avait aussi pas mal de curiosité parmi les gens qui allaient à la Fête-Dieu de Rillé, car “voir le jardin des sœurs” était presque une attraction, de sorte que beaucoup étaient distraits de leurs chants et prières en passant devant les carrés de légumes ou les vergers ».

Témoignage de Mr Hodebert, Javené (près de Fougères) 35

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