Lorsque je suis entrée dans cette prison pour la première fois, c’était pour une messe, à Pâques 95. Les détenus chrétiens ou catéchumènes se sont rassemblés dans un coin de la mini-cour, à l’ombre d’un mur, et c’est là que le prêtre a célébré, avec une vieille planche posée sur un mortier comme autel.
Plus tard, je suis rentrée dans l’association « Prisonniers sans frontières » (PRSF) qui travaille à l’amélioration des conditions de vie des détenus. En équipe, grâce à des dons de PRSF-France, nous avons pu monter une ferme de 12 hectares avec un ha clôturé pour du jardinage, et un forage pour l’arrosage. Cette ferme permet aux détenus qui remplissent les conditions de sortir et d’aller travailler en plein air, de reprendre goût au travail et d’améliorer la ration alimentaire tellement insuffisante. Pour certaines fêtes chrétiennes ou musulmanes, nous préparons pour tous un bon repas de riz avec de la viande, ce qu’ils n’ont jamais. Nous y ajoutons des fruits, des condiments pour la sauce, du savon etc… C’est vraiment la fête !
Qu’est-ce que je vis avec les personnes ? La compassion. Ces hommes, ces femmes, même s’ils sont de grands truands, ont droit au respect. Certains peuvent être là injustement, payant pour un autre qui a réussi à fuir. Il y a de grands criminels, c’est vrai. Mais pourquoi en sont-ils arrivés là ? Chacun, avec son mystère, est là entre quatre murs crasseux, attendant que les jours, les nuits étouffantes dans des cellules pas aérées… passent, et cela durant des mois, des années. Quand je vais les visiter, je suis là, au milieu d’eux tous, enfermée dans la cour intérieure, sans gardien. On se salue, on parle, je prends des nouvelles, m’arrête plus longuement près des malades. Par un sourire, une parole de réconfort, une poignée de main (même si elle est pleine de gale), une attention particulière, j’essaie de leur dire mon amitié fraternelle. Je ne les juge pas, ne les condamne pas. La vie est encore devant eux et ils peuvent se relever et réussir leur vie. À la fin de la visite, certains me demandent de prier. Alors on se réunit dans un coin de la cour, et nous prenons un petit temps de prière spontanée ensemble.
Je me sens bien pauvre et petite devant tant de souffrances, mais ma simple présence se veut être une lueur d’espérance dans leur détresse. L’Esprit est à l’œuvre dans les cœurs et une lumière brille dans leurs ténèbres.
Geneviève, Sœur du Christ Rédempteur, Fada, Burkina-Faso