Tout quitter et surtout ce peuple aimé…

Un jour, au Burkina Faso, l’évêque demande à tous les missionnaires de peau blanche de mon diocèse de quitter la région, devenue trop dangereuse à cause des nombreuses attaques des terroristes, des djihadistes…

Les Rois Mages ont quitté leur pays à la recherche de l’Enfant, Roi du monde. Joseph a pris l’Enfant et sa Mère, a quitté son pays pour fuir en Egypte. Aujourd’hui, dans le monde, de nombreuses familles (hommes, femmes, enfants) quittent leur pays ou leur région, chassés par les terroristes, les djihadistes, la guerre, la peur.

Tous partent vers l’inconnu. Les Mages, sont peut-être sur des chameaux, Jésus et Marie sur un âne, les autres sont souvent à pied. Les uns scrutent l’Etoile, les autres guettent le bateau qui va les emmener « ailleurs », beaucoup fixent leurs pieds sur des chemins de terre, avec la peur au ventre, sans regarder en arrière vers les champs abandonnés, les maisons brûlées. Tous espèrent un « meilleur », la paix. Ils ont tout perdu, ils cherchent un refuge et ils deviennent des réfugiés.

Un jour, au Burkina Faso, l’évêque demande à tous les missionnaires de peau blanche de mon diocèse de quitter la région, devenue trop dangereuse à cause des nombreuses attaques des terroristes, des djihadistes. En 24 h, il nous a fallu tout laisser, faire une petite valise et y fourrer 50 ans d’Afrique. Partir, sans dire au revoir à personne. Tout quitter et surtout ce peuple aimé qui m’a tant donné, qui m’a fait devenir ce que je suis aujourd’hui. Partir comme un voleur, dans la nuit à 5 h du matin.

« Quitte ton pays d’adoption pour retourner dans ton pays d’origine ». J’ai tout laissé, mais je n’ai pas tout perdu comme tant de mes frères et sœurs chassés de leurs villages. J’ai quitté toute ma grande famille africaine pour retrouver ma famille religieuse, ma famille biologique. Ma famille d’Afrique reste gravée dans mon cœur, comme dans la paume de mes mains. Je reste en communion profonde avec elle. Et Dieu me fait aujourd’hui le don de sa paix. Mon « quitte tout » est bien peu par rapport à celui de tous ceux-là qui perdent tout, sans espoir de retrouver quelque chose d’un peu équivalent très loin de chez eux, étrangers dans un pays inconnu, si loin, si seuls !!!

Je ne fais aucune comparaison car chaque personne est unique, chaque situation est vécue aussi d’une manière unique, mais ce qui est sûr c’est que la personne déracinée part avec une grande blessure dans le cœur. J’admire la force intérieure de ces peuples qui partent sans savoir ce qu’ils vont trouver, sans savoir qui acceptera de les accueillir. Heureusement, il existe une grande fraternité dans la détresse et celui qui n’a presque rien partage avec celui qui n’a plus rien du tout.

Le cœur d’un homme est capable du meilleur quand celui d’un autre homme est capable du pire. Mais elle est si grande la foi de tous ces peuples en détresse ! Je veux croire que la Paix adviendra, que l’Amour l’emportera.

Sr Geneviève J., SCR, Ille et Vilaine

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