On ne sait rien de certain sur l’origine de la statue de Notre Dame de Rillé, aucun document n’ayant été retrouvé jusqu’à ce jour. Selon l’abbé Alphonse Jarry *, la statue provient certainement de l’ancienne Abbaye de Rillé. Il s’explique sur sa présence, et sur l’absence de document (ceux de l’Abbaye ayant été brûlés) :

La statue de grès de Notre-Dame de Rillé, qui date du XVIe S., a pu échapper au vandalisme des guerres de religion et de celui de la Révolution. Si elle ne figure pas sur l’inventaire des biens de l’Abbaye dressé en 1790 par les commissaires révolutionnaires, c’est que, souvent, ils négligeaient de noter les statues et les autels en pierre ou en bois qui n’avaient aucune utilité pour la nation. Si la statue n’a pas trouvé preneur quand l’Abbaye a été vendue comme bien national, c’est parce qu’elle était difficile à transporter, étant d’un matériau très dur et très lourd, qui n’était plus à la mode depuis la fin du XVIIe S., que peut-être elle était déjà mutilée…
Pour l’abbé Jarry, elle aurait été sculptée par un artiste du pays ou de la région, et non par le disciple d’un grand maître sculpteur, car elle ne ressemble pas aux innombrables modèles traités par les peintres et les sculpteurs de talent qui ont fait école au XVIe siècle : la Vierge apparaît dans une attitude un peu tassée et molle sous une robe et un manteau trop longs. Elle aurait été sculptée spécialement pour l’Abbaye.

Marie et son Fils ont une attitude réfléchie et méditative. Ils tiennent chacun d’une main un même livre ouvert. N’était-ce pas une manière de rappeler aux chanoines réguliers de l’Abbaye leur devoir de s’adonner :
- à la prière,
- à l’étude de l’Écriture Sainte,
- à l’étude des sciences religieuses et profanes, comme les y appelaient leur ministère, la formation des clercs destinés à desservir avec eux et après eux, en qualité de recteurs ou de curés, les paroisses qui leur étaient confiées, l’éducation des jeunes gens qui fréquentaient leur collège d’études secondaires florissant, annexé à l’Abbaye, vers 1473.
La présence de cette statue dans l’ancienne Abbaye ne doit pas surprendre. Au XVIIe S., Marie fut donnée comme patronne à l’église de Rillé qui était à la fois église paroissiale et église abbatiale.
Enfin, dernier argument présenté : si la statue provenait d’une chapelle ou église étrangère, les Fondateurs de la Congrégation des Sœurs du Christ Rédempteur, installée depuis 1833 dans les ruines de l’ancienne Abbaye et les premières Sœurs n’auraient pas manqué de le signaler. Or, c’est un fait constant qu’elle a toujours été considérée par eux comme une précieuse relique de l’Abbaye.

Dans son exposé, l’Abbé Jarry ne parle pas de la boule que l’Enfant Jésus tient dans sa main droite. Il n’y aurait rien d’étrange à ce que ce soit un fruit, puisque la statuaire de l’époque représente souvent l’Enfant-Jésus offrant un fruit, une fleur… à sa Mère. Au XVIe siècle, rappelle l’abbé Jarry, les artistes aimaient représenter Marie parée des atours et bijoux comme les grandes dames de leur siècle ; c’est peut-être la raison de l’anneau passé au majeur de la main gauche de Marie. Mais pourquoi au majeur ?…
D’après les écrits de l’Abbé Alphonse Jarry, rédigés en octobre 1943 pour la Société archéologique d’Ille et Vilaine dont il faisait partie.
Transmis par Sr Hélène R., SCR
* L’abbé Alphonse Jarry (1874-1946) - en plus d’être un éducateur de jeunes - est bien connu pour ses ouvrages d’Histoire locale. En 1928, pour des raisons de santé, il se retire à la communauté de Rillé, à Fougères, où il décédera le 25 décembre 1946.