Bientôt, je remarque une dame qui semble chercher quelque chose ou quelqu’un. Je sors à sa rencontre.
- Je suis inquiète, me dit-elle, je ne vois personne. Pourtant il y a bien une messe à 10h30 ?
- Oui, mais il n’est que 9h30.
Je vois la stupéfaction sur son visage et une profonde déception. - Voulez-vous entrer vous asseoir ? Elle accepte, ne sachant comment passer le temps. Un silence s’installe ; elle ne cesse de regarder sa montre, de consulter son smartphone.
-
Puis-je vous offrir un café ? Son visage s’éclaire ; elle accepte très volontiers. Bientôt une douce chaleur et une agréable odeur émane de nos tasses et se répand jusque dans nos cœurs. Climat favorable aux échanges. Elle me questionne beaucoup : ce que deviennent telle et telle sœurs qu’elle a bien connues, comment fonctionne l’EHPAD récemment ouvert et exprime le désir d’y venir un jour.
- Il est temps de vous inscrire vous savez ; c’est très demandé !
Fou rire : elle s’estime beaucoup trop jeune.
Le temps passe très vite avec cet échange si fourni et animé. Les cloches lui rappellent qu’elle doit se rendre à la chapelle si elle veut “être à l’heure à la messe”. Un bref au revoir : « On est très bien chez vous » !
Cette femme m’a laissé une impression de paix et de bonheur : elle m’a donné la certitude que notre présence dans cette ville n’a pas été vaine. Tant de nos aînées y ont laissé leur disponibilité, leur compétence, le don de leur vie dans le service.
Une certaine lourdeur, le découragement peut-être nous guettent devant notre vieillissement ; car il faut bien le reconnaître, avec nous quelque chose s’achève. Mais « C’est quand une source tarit qu’elle fait supposer un ailleurs » 1.

Aujourd’hui, que nous reste-t-il ? Qu’avons-nous encore à offrir ? Peu, croyons-nous, mais c’est un peu qui est un tout car il est l’essentiel. C’est ce qui donne à chaque acte, chaque service, chaque travail toute sa fécondité. C’est l’amour.
J’emprunte à Marie Noël quelques vers de son poème : “Les chansons et les heures” qui nous parlent de l’amour 2 :
Rien n’est vrai que d’aimer…
Donne plus et sans savoir combien.
Ne crains pas de manquer d’amour, ne garde rien…
Sois aveugle, mais aime
Le plus près, le plus loin, chacun plus que toi-même.
1- Jean Grosjean : Elie
2- Les Chansons et les Heures : A tierce