Un 3e confinement en 2020… dans une chambre d’EHPAD

Vous avez vécu deux confinements 2020 ? Moi j’en ai vécu trois. Le troisième (août- septembre) s’est passé dans une chambre à l’Ehpad de Paron à Fougères (35), aux côtés d’une amie de presque 102 ans…

Germaine, décédée à 102 ans

Vous avez vécu deux confinements 2020 ? Moi j’en ai vécu trois.

Le troisième (août-septembre) s’est passé dans une chambre à l’Ehpad de Paron à Fougères (35), aux côtés d’une amie de presque 102 ans…, trop âgée pour que soit tentée une intervention chirurgicale. Il restait la morphine pour calmer les violentes douleurs, et à attendre : « Nul ne sait ni le jour, ni l’heure ».

Mon amie Germaine, co-fondatrice du centre aéré du “Rocher Balin” (Landéan), était laïque consacrée dans l’institut séculier dominicain d’Orléans. Née en novembre 1918, elle nous disait : « Je suis née à la fin de la guerre, je serai un Ange de Paix ». Elle a consacré sa vie au service des autres avec une attention particulière aux plus pauvres, aux plus démunis.

Pendant deux mois, j’allais près d’elle à raison d’une heure le matin et plusieurs heures l’après-midi. Je lui avais fait la promesse d’être là, présente pour sa fin de vie terrestre. Le matin, en communion avec elle, lui tenant la main, je priais :

Un jour nouveau se lève Un jour reçu de toi, Père. Je le remets entre tes mains Fais de moi ce qu’il te plaira.

Je m’exprimais en son nom, sûre qu’elle s’y associait intérieurement, en respectant le mystère de son silence. Germaine avait perdu la parole depuis plusieurs années : “elle s’était absentée”, mais elle avait parfois des signes qui nous faisait comprendre sa reconnaissance. Le personnel soignant savait décrypter ses réactions et les partager.

Deux mois, dans une petite chambre, au chevet d’une amie… à attendre la Rencontre avec son Seigneur, tenir sa lampe allumée : je l’ai vécu comme un privilège, une retraite spirituelle, un temps fort de présence, de sérénité. Nous étions toutes les deux habitées, préparant l’ultime rencontre. Le personnel soignant disait son étonnement devant le calme de Germaine, sa douceur, son abandon. Les quinze derniers jours, il y a eu comme un réveil à la vie. Elle s’exprimait par un regard, une pause respiratoire, un serrement de main nous manifestant son consentement.

Elle est partie dans la nuit du 27 au 28 septembre. J’ai vécu l’annonce de son décès avec une joie toute intérieure : elle avait rencontré son Seigneur. Sa vie était maintenant près de Dieu le Père. On se sent submergé, fragile face à un événement tant attendu et pourtant plein d’un mystère qui nous dépasse.

Un troisième confinement qui laisse des traces, qui interroge ma vie et me laisse sereine, confiante et… croyante.

Solange Perray, membre du groupe “Laïcs Famille Spirituelle Sœurs du Christ Rédempteur”

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