Ouahigouya : Dans la forêt de Monsieur Yacouba SAWADOGO
Le 27 avril 2019, le mouvement “ATD Quart-Monde Burkina” a effectué un voyage sur Ouahigouya, dans la petite forêt de Mr Yacouba SAWADOGO. Objectif : vivre une de ses activités dénommée “Université Populaire”.
“L’Université Populaire” dans le mouvement, c’est un temps d’échange, un face à face entre les plus démunis et les personnalités de la société. Le but c’est de permettre aux plus pauvres de comprendre, d’avoir accès à certaines choses de la société, de se faire entendre par les personnalités et que celles-ci voient la réalité des laissés-pour-compte, qu’elles sachent que même dans la pauvreté, l’homme a des idées.

Le thème était : « Quel environnement écologique voulons-nous pour le bien-être de nos enfants ? » D’abord des groupes (militants, alliés, amis du Ganzourgou, femmes accusées de sorcellerie au centre Delwende de Sakoula, enfants et jeunes qui vivent dans la rue) ont réfléchi sur ce thème, recherchant causes et conséquences de la dégradation de la nature, solutions pour un environnement meilleur. Je vous propose maintenant les paroles de Mr Yacouba, l’homme qui a fait reculer le désert en créant une forêt sur un terrain pierreux :

« C’est depuis 46 ans que je suis dans ce travail de plantation d’arbres. Avant, ici, rien ne poussait. Le terrain était vide et plein de roches. J’étais commerçant. Petit à petit, après avoir réfléchi et pris conscience de l’importance de la nature, j’ai abandonné le commerce, et j’ai commencé ce travail. Avec mes mains, je creusais un peu le sol, j’enlevais les cailloux et les utilisais pour faire des cordons pierreux afin de retenir l’eau. Quand j’ai commencé ce travail, personne ne me comprenait. On me traitait de fou. Mais je ne me suis pas découragé, j’ai continué mon travail, jusqu’à aujourd’hui et voilà le fruit : un bosquet de 27 hectares.
Ce qui m’a permis de tenir dans ce combat, c’est l’endurance, la patience, la détermination… Tout ce qui vit est important pour la vie de l’homme et pour la nature. Tout être vivant (fourmis, oiseaux, insectes…) a son importance. Quand la terre est protégée, elle peut produire. Et ses produits sont utiles à l’homme pour se nourrir, se soigner et pour d’autres besoins… Dans le sol, il y a beaucoup d’être vivants qu’on ne voit pas, mais qui l’enrichissent. Et si on utilise les produits chimiques, ça détruit les êtres vivants et ça appauvrit le sol. S’il y a besoin, on peut utiliser les produits naturels tels que les graines de neem.
Ce que j’ai fait, je ne l’ai pas fait pour moi-même. Je sais que je vais partir. Mais je veux laisser quelque chose aux futures générations.
Depuis le début, je n’ai presque pas eu d’aide. Mais cela ne m’a pas empêché de poursuivre et de réaliser mon rêve. J’ai fait tout le travail à la main. Je sais que je ne profite pas tout seul des fruits de ce travail ; j’ai fait, mais maintenant c’est un bien commun. Ce qui me fait mal, c’est que l’Etat ne fait rien pour protéger notre bien public. Il n’y a pas d’encouragement. Ce travail m’a permis de me former et d’apprendre beaucoup de choses. Je soigne bien des maladies avec des plantes. Je suis en train de mettre en place un petit dispensaire pour pouvoir soigner les gens avec les plantes ».

La forêt de Mr Yacouba est composée essentiellement d’arbres ou d’arbustes qu’on trouve en brousse. Il fait des pépinières de plants domestiques comme le manguier, l’eucalyptus… mais pour les vendre. Il utilise la méthode jain : pendant la saison sèche, il creuse des trous suivant la direction de l’eau de sorte que quand il pleut, l’eau coule et ça remplit les trous. Après avoir creusé il met du fumier ou du compost en attendant la pluie. En faisant ces trous, il se dit que les oiseaux vont transporter des graines des arbres, l’eau de la pluie aussi va emmener des graines. Ce qu’il fait aussi, quand il part dans un pays ou dans une région, s’il trouve des espèces de plantes, d’animaux, d’oiseaux ou d’insectes qui ne sont pas ou plus chez lui, il fait tout pour en ramener. Il protège tout.
Le travail fait par Mr Yacouba est admirable. Il a reçu un prix Nobel international pour l’œuvre qu’il a faite. Nous étions dans l’admiration en visitant la forêt. Malgré le soleil, la fatigue, les gens ont tenu. En voyant cela on se dit que tout est possible.
Sœur Bertine D., SCR, Ouagadougou