Souvenirs d’une petite pensionnaire (suite)…
La petite pensionnaire que j’étais au Juvénat de Rillé à Fougères a eu bien de la chance, elle a beaucoup reçu… Même si je n’étais pas particulièrement une bonne élève, regardant partout, bavarde, dispersée. En voici quelques exemples :

- Ayant obtenu un beau zéro à mon test de géométrie, la maîtresse me le fit refaire ; et voilà que je me permettais de répéter à qui voulait m’entendre : « Il suffit de regarder la figure pour s’en convaincre ! ».
- Je n’avais aucune attirance particulière pour plusieurs matières, puisque pour moi l’essentiel consistait à faire rire mes compagnes. Ainsi pour le chant. Mais là, les conséquences furent catastrophiques ! La sœur qui l’enseignait me dit un jour : « Faites attention, vous chantez faux comme le roi Hérode… Comment ferez-vous le jour du Brevet Élémentaire pour l’épreuve de chant ? » Nous avions appris par cœur “La Truite” de Schubert. Mais je n’eus point l’opportunité de montrer ma “belle” voix, puisque l’examinatrice me demanda la différence entre une symphonie et une harmonie. Naturellement, je n’en savais rien, vous devinez la suite…

- Un autre désagrément le jour de l’examen vint encore me perturber. Il s’agissait de faire un faux ourlet. N’ayant aucune idée de la façon de le réaliser, je me mis à lorgner vers ma voisine. La surveillante s’en aperçut et vint se poster à côté de moi. C’est alors que mes larmes remplacèrent les points de couture et je fus encore gratifiée d’un zéro tout rond.

Bien sûr, étant dans un lieu de discernement par rapport à la vocation, de préparation à la vie religieuse, les initiations aux exercices de piétié ne manquaient pas. J’aimais particulièrement le mois de mai, car le soir nous allions en procession devant une petite statue de la Sainte Vierge, encastrée dans le mur du cimetière, côté jardin. Je la cherche depuis que je suis revenue à Rillé : elle a dû remonter au ciel, car je ne la vois plus !
Le dimanche et le jeudi, rituellement, nous allions en promenade, en rangs trois par trois. Souvent vers la forêt ou vers le petit bois de Robinson, en passant quelquefois par le “Chemin du Crime”… Aujourd’hui, je reconnais encore, du côté de Lécousse, les murs de la ferme que nous longions pour aller aux châtaignes.

Et à la période de Noël, nous allions découvrir les décorations en ville. Toujours aussi bavarde, j’étais heureuse au repas suivant de décrire les merveilles des vitrines qui m’avaient éblouies. Émerveillée par celle d’un chocolatier, une de ses compositions avait particulièrement retenu mon attention et je m’empressais à table de la décrire : « C’était un phare en chocolat. Il était énorme comme une petite assiette ! »
Je garde un très bon souvenir de cette vie de pensionnaire. C’était comme une nouvelle naissance. Vie d’innocence et de naïveté encore certes, mais vivre à plusieurs, sans ses parents, et s’habituer à des formes nouvelles de savoir-vivre (s’ajoutant à la bonne éducation reçue de ses parents), je reconnais que c’était un beau cadeau qui nous était offert. Aujourd’hui, je redis un immense merci à celles et ceux qui y ont contribué…
Sœur Marie-Françoise C., SCR, Rillé-Fougères