Au chapitre 19, 1-10, Luc nous raconte la rencontre de Jésus avec Zachée, que nous entendrons le dimanche 30 octobre : texte archi connu, mais parfois on en fait une lecture moralisante ! Essayons de le relire comme si c’était la 1^re fois. C’est un récit. Or, un récit, c’est fait pour être raconté. Sa prétention, c’est de dire une Parole. Nous allons donc essayer de le faire vivre sous nos yeux en mettant en lumière ses structures de communication.

En fait, qui a l’initiative ? Notons bien ce que dit le 1^er verset : « Étant entré, il passait par Jéricho ». Jésus n’est pas nommé, mais c’est de Lui qu’il s’agit. Jésus passe à Jéricho. Que va-t-il advenir ? Dieu passe aussi chez nous. Que va-t-il advenir aujourd’hui ? Dieu ainsi passe dans notre ville, dans nos vies bien avant que nous nous décidions à faire un pas ! Le texte ajoute : « Il traversait la ville ». Traversait est un mot important. La scène commence dans une espèce de dynamique, avec des occasions de voir et d’être vu. Un vouloir de Jésus qui a choisi de traverser et donc de se donner à voir et de voir !

Ensuite, le texte nous campe le personnage de Zachée. Zachée = le juste. Zachée est petit de taille ; Zachée est petit de réputation. Responsable des revenus fiscaux d’une région, collaborateur doublement souillé (politiquement et religieusement) par ses contacts réguliers avec les païens, Zachée est très mal vu, c’est le moins qu’on puisse dire !

Zachée est aussi, peut-on dire, petit d’existence : cela découle de ce qui précède. Il faut s’appuyer sur quelque chose pour exister. Zachée, lui, n’a que l’argent et le pouvoir de sa position bien fragile. Le texte le laisse entendre : ce n’est sûrement pas un homme bien dans sa peau que ce Zachée qui fuit la foule et grimpe dans un arbre, sinon il aurait pu demander qu’on lui laisse une place devant. Mais, quand on est « pécheur », on ne nous fréquente pas et on ne nous parle pas !

Mais, c’est un curieux. Le texte dit qu’« il cherche à voir Jésus », le verbe chercher indique une attente et un mouvement actif. Luc insiste : Zachée veut voir, veut savoir « qui est cet homme ». Sans doute la réputation de Jésus le Galiléen, l’avait-elle précédé jusque dans la vallée du Jourdain. Réputation de quoi…, j’imagine que c’est ce “quoi”, cette question ouverte qui met Zachée en mouvement et justement ne le fait pas renoncer malgré la foule. Zachée court en avant, au-delà de la foule pour attendre Jésus passer. De curieux passif, il devient acteur. Il court, ce qui manifeste bien un désir. Il court.

Continuons le récit. Zachée monte dans l’arbre pour voir Jésus. Zachée s’accommode de son vouloir et de son non-pouvoir ! Il se libère de la foule, court en avant. Il précède, prend de l’avance. Son désir le rend ingénieux. Zachée est un homme de désir ! C’est cela qui fait changer la situation

Et Jésus passe. Zachée va-t-il enfin voir ce Jésus pour lequel il avait fait tant d’effort ? Et bien non ! Le texte ne dit pas que Zachée a vu Jésus. Luc dit l’inverse : c’est Jésus qui lève les yeux et lui parle. Zachée était dans l’attente, mais c’est Jésus qui agit. C’est Zachée qui cherche à voir, mais c’est Jésus qui l’aperçoit.

Jésus va chercher Zachée là où il se trouve (mouvement de bas en haut, comme celui de Zachée). Rappelons-nous la position de Jésus au lavement des pieds !

Sœur Gabrielle H., SCR