
Sœur Bernadette, après avoir vécu sa mission pendant 18 mois au Burkina Faso et 10 ans en République Démocratique du Congo, est de retour en France. Elle nous parle du livre qu’elle vient de lire : « Une ferme en Afrique » de Karen Blixen.
« UNE FERME EN AFRIQUE » . Une lecture qui m’a donné des mots pour relire mon « histoire » avec le monde africain.
Karen Blixen, de nationalité suédoise, raconte son long séjour au Kenya et l’amour intense qu’elle porte à l’Afrique. Elle y décrit les paysages kényans dans un style très imagé, mais surtout elle parle de ses relations avec les indigènes en des termes qui laissent entrevoir à quel degré de « communion » elle a tenté d’entrer avec les peuples indigènes, car le Kenya est une mosaïque de cultures diverses avec d’irréductibles particularités. Le livre raconte ses années passées au Kenya de 1914 à 1931. Ce qui lui donne comme un air de colonialisme dans certaines expressions, mais Karen Blixen a largement dépassé cette vision des relations avec le monde africain.
Voici ce qu’elle écrit : « En ce qui me concerne, je me suis prise d’affection pour les indigènes dès que j’ai mis les pieds en Afrique. C’était un sentiment fort et irrésistible qui comprenait les êtres des deux sexes et de tous les âges. Ma rencontre avec les Noirs fut pour moi ce que la découverte de l’Amérique fut à Christophe Colomb, et, de la même manière, un élargissement de mon monde entier… Quand j’ai connu les indigènes, j’ai abandonné ma routine - mon train-train quotidien - pour suivre leur rythme ». Mais elle écrit aussi : « Il n’était pas facile de connaître les indigènes ».

C’est ce double sentiment qui m’a habité constamment au cours de ma présence en Afrique : une proximité perceptible et une distance irréductible. Sentir une amitié qui naît et s’approfondit dans les rencontres, les conversations, les services rendus mutuellement et, en même temps ou après coup, éprouver l’incertitude d’avoir compris et d’avoir été comprise : « Ai-je vraiment compris ce qu’on m’a dit ? Les mêmes mots veulent-ils dire toujours la même chose pour eux et pour moi ? L’important pour moi l’est-il aussi pour eux ? »
Ce fut un effort sans cesse à reprendre, non pas pour supprimer les différences, mais pour diminuer la distance. Les aimer, car eux aussi ils nous aiment. Savoir que l’on ne donne pas plus que l’on ne reçoit et être reconnaissant pour cette réciprocité.
Je terminerai par une autre citation de Karen Blixen : « Si les indigènes éprouvent un quelconque amour ou respect pour nous, cela ressemble à la manière dont l’homme aime Dieu : certainement pas en fonction de ce que nous faisons pour eux, mais pour ce que nous sommes ».

“Une ferme en Afrique” de Karen Blixen sera bientôt disponible à la bibliothèque.
Sœur Bernadette D., SCR, Rillé-Fougères