Il y a quelque temps à la maison-mère de Rillé, le Père Paul Roussel (aumônier) nous disait dans son homélie : « Vous aimez la Justice de Dieu, mais c’est d’abord la Justice de Dieu qui vous aime ».
Oui, Dieu nous aime avec justice : telle est la mesure infinie de son amour. Faisons un lien avec cette réflexion bien particulière et combien d’actualité : celle de “l’attention à la création” qui nous est proposée plus particulièrement du 1er septembre au 4 octobre.
L’homme est entré sur la scène du monde comme un acteur tout puissant, un maître absolu qui met la nature à son service. Il a bien entendu cette parole de la Genèse : « Emplissez la terre et soumettez-la ». Mais l’homme est devenu cupide et il a soumis la terre de manière brutale et inconsidérée pour en tirer un maximum de profit. On nous dit que le réchauffement climatique est dû surtout à cette activité outrancière de l’homme occidental moderne. Mais le monde occidental n’est pas le seul et unique : il existe d’autres modes “d’être dans ce monde”, un mode plus respectueux, moins exclusif et moins brutal. Allons rendre visite aux peuples dits “primitifs”.
Pendant dix ans, j’ai vécu au Pérou, au milieu d’un de ces peuples, très secret mais qui nous ouvre à ses traditions quand il perçoit notre respect et notre acceptation de ne pas tout comprendre. Et voilà ce que j’ai vu et les « cérémonies » auxquelles il m’a été donné de participer :

Les peuples amérindiens des hauts plateaux andins ont un immense respect pour la “pachamama”, la “terre mère”, la mère nourricière de tout être vivant. Ils conservent encore aujourd’hui beaucoup de rites pour honorer cette généreuse bienfaitrice. Avant tout acte qui peut “blesser” la terre, l’Indien quechua ou aymara réalise un “pago”, une offrande symbolique. On demande à la "terre-mère" pardon pour les labours. On s’excuse de la charger d’un plus grand poids quand on va entreprendre une construction. On ne pose pas une toiture sans demander à la “pachamama” sa bienveillance et sa protection. Si quelqu’un a eu un accident et reste traumatisé, on demande à la “pachamama” de lui redonner son âme qu’elle retient comme prisonnière.

Autant d’actes quotidiens qui rappellent à l’homme sa dépendance au milieu naturel. Pour eux, la terre est peut-être une “déesse”, mais elle est surtout le don qu’un Être suprême a fait à l’être humain. Et ce don doit être respecté. Tous ces rites ont enraciné dans leur âme un « profond respect pour la terre, pour la création ». Et la beauté grandiose des paysages n’est pas étrangère aux manifestations de leur âme contemplative.
Dieu nous aime avec justice : les catastrophes écologiques ne sont pas la réponse de Dieu à ce monde « qui se prend pour Dieu ». C’est la réponse exacte de notre terre aux abus que nous commettons dans notre manière de vivre : pour ne manquer de rien, nous produisons toujours plus au point d’épuiser notre mère nourricière. Et si c’était pour partager ce surplus ! Mais non, nous sommes dans une civilisation du gâchis, des déchets…
Nous pouvons redresser la barre et nous le devons. Et si nous le devons à nous-mêmes et aux générations futures, nous le devons d’abord à Dieu, à lui que chante le psaume 145 : « Le Seigneur est juste en toutes ses voies fidèle en toutes ses œuvres ».
Sœur Bernadette D., SCR, Fougères