C’est une parabole qui ne manque pas de nous surprendre, voire de nous scandaliser. Posons-nous d’abord quelques questions.
Quel est ce maître qui embauche jusqu’à point d’heure et qui au final fera remettre à chacun le même salaire ? Et ces ouvriers, qui sont-ils ? Ce qui les distingue, c’est l’heure bien sûr, mais surtout la manière dont ils seront rémunérés. Il y a deux types d’embauche : selon le droit ou selon le don. La rémunération des premiers est légale : ils conviennent d’un denier. Pour les autres, tous les autres, ils sont sous le régime de la faveur, car c’est déjà une faveur d’avoir été embauché, la journée étant plus ou moins commencée, et pour les derniers presque terminée. « Je vous donnerai ce qui est juste » dit le maître. Mais la promesse n’est pas une garantie : ils s’engagent donc sur la confiance faite au maître.

La journée s’achève : pourquoi le maître de la vigne décide-t-il de faire remettre le salaire d’abord aux ouvriers de la 11e heure ? Serait-ce un maître qui cherche les problèmes ? Non ! Mais il était nécessaire que soit mis à jour, aux yeux de ceux-ci et - à nos propres yeux - ce qui rend l’homme mauvais pour ses semblables. Le « voir » a réveillé en eux la convoitise, fait naître la jalousie et déformé le sens de la vérité. Car un contrat est un contrat, le reste est faveur et bonté, prix de la confiance faite au maître sans que personne soit lésé.
« Ton œil est-il mauvais parce que je suis bon ? » Qu’a-t-il donc manqué à ces travailleurs de la première heure pour sortir de l’impasse où ils se trouvent enfermés ?… Dans son encyclique « Fratelli Tutti », le Pape François nous donne une clé qui nous permettrait, si nous le voulons, de développer l’empathie, l’amour envers tout prochain. L’amour est comme un mouvement qui amène à concentrer l’attention sur l’autre « en l’identifiant avec soi-même » (N° 93). Le mot « s’identifier » est lourd d’une attention soutenue à tout autre. Dans ce monde en ébullition, c’est le prix de la paix.
